Agrandissement de gravières et sablières
Décisions d'intérêt de la CPTAQ (5)
Par : Frédéric Dufault, urbaniste, EESA®, VEA®, président d’Enviro 3D conseils inc. et Serge Vaugeois, urbaniste, M. ATDR, M.Sc.A. MGPA, chargé de projet sénior
Les gravières et sablières sont des composantes stratégiques qui soutiennent le développement économique des municipalités du Québec. Leur agrandissement s’avère de plus en plus complexe, surtout lorsqu’elles sont localisées en territoire zoné agricole en vertu de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA). Afin d’apporter un éclairage qui permettra de mieux comprendre les situations conduisant à des décisions favorables ou non de la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ), nous publions aujourd’hui notre cinquième article d’une série portant sur des décisions d’intérêt de la Commission concernant des gravières et des sablières. Nous tenterons de mettre en évidence, au bénéfice de nos lecteurs, les principaux éléments de la demande, son appréciation par la CPTAQ et la décision de cette dernière.
La demande de la Sablière Nord-Sud inc. : confection d’un remblai d’une superficie approximative de 16,2 hectares
La demanderesse s’adresse à la Commission afin que celle-ci autorise l’utilisation à une fin autre que l’agriculture, soit à des fins de confection d’un remblai d’une superficie approximative de 16,2 hectares dans une sablière existante. L’autorisation est sollicitée pour une période de 3 ans.
La sablière en question, d’une superficie de 67,18 hectares, a été autorisée en 1998-1999. Le propriétaire du site ne désire plus l’exploiter et souhaite la réaménager en y confectionnant un remblai sur une superficie de 15,6 hectares (16,2 hectares avec le chemin d’accès). Le projet de réaménagement consiste donc à :
–Combler l’exploitation en profondeur avec du matériel respectant les critères de la CPTAQ, de manière à ce que l’ensemble du plancher de la sablière soit à un minimum d’un mètre au-dessus du niveau de la nappe phréatique;
–Suite à la fin de ces travaux de remblai, les sols arables mis de côté lors de l’exploitation seront disposés sur la surface remblayée, en prévision d’une remise en agriculture du site;
–Le site devra être nivelé et décompacté, le sol arable devra être étendu de façon uniforme.
Ainsi, le remblaiement du site permettrait d’uniformiser le terrain et de favoriser l’aménagement d’une superficie plane et uniforme sur la totalité de la surface en demande. Une fois les travaux de remblai terminés, le programme de réhabilitation final prévoit un reboisement.
Fait à noter, le volume total de sol arable mis en amas est de 9 800 – 10 000 mètres cubes. Le résultat de l’analyse de sol permet de constater qu’il s’agit d’un sol arable de type loam sableux dont le pH est faiblement acide (pH eau 6.3) et dont le pourcentage de matière organique s’élève à 2,8 %. Il s’agit d’un sol dont les principaux éléments fertilisants sont présents en faible quantité et qui pourra nécessiter une correction de fertilisation.
La municipalité concernée a appuyé la demande par résolution. La Commission a émis une orientation préliminaire au présent dossier en indiquant que cette demande devrait être refusée.
L’appréciation de la demande
Sous ce vocable, il est mentionné:
-La demanderesse veut réhabiliter le site visé et le retourner à l’agriculture. Pour y arriver, elle suggère de faire un remblai sur une épaisseur allant jusqu’à 7 mètres, sur une superficie d’un peu plus de 15 hectares. Elle vise ainsi à combler les dépressions qui ont été créées sur le site visé par une exploitation en profondeur;
–La Commission précise que malgré la finalité agricole anticipée et les bonnes intentions de la demanderesse, la remise en état de la sablière-gravière ne doit pas se faire au détriment de la protection du territoire et des activités agricoles. Bien que l’ajout de remblai permettrait de rehausser l’ensemble des superficies exploitées en profondeur au niveau des terrains avoisinants non perturbés et qu’à terme le site visé serait plus uniforme sur le plan topographique, la Commission estime que cela n’est pas suffisant;
–De fait, certaines informations concernant le remblai proprement dit ne lui permettent pas de conclure que le projet serait sans impacts sur le potentiel et les possibilités agricoles des lots en cause ni sur la préservation pour l’agriculture des ressources sols et eaux;
–Les travaux de remblai sont des interventions majeures très perturbatrices où les risques de mélange de sols, dont le sol arable, sont documentés. La Commission estime que ce n’est pas en corrigeant uniquement la topographie par l’introduction de matériaux exogènes importés sur les lots visés que l’on s’assure que leur potentiel agricole et que leurs possibilités d’utilisation à des fins agricoles seront améliorés. La qualité des matériaux utilisés est tributaire du succès du remblai, particulièrement lorsque le site est partiellement sous le niveau de la nappe phréatique. Or, aucun détail n’est donné quant à la provenance du remblai ni sur le plan de surveillance prévu pour sa réception et sa confection;
–Le volume de sol arable disponible au réaménagement n’est pas suffisant pour couvrir les 15,6 hectares en demande. Le plan de réaménagement est muet quant à l’épaisseur de sol arable qui sera régalée avant le reboisement et la superficie qui sera couverte par le sol arable d’origine. Enfin, considérant que le site n’est plus en exploitation, la Commission se questionne également sur le délai de 3 ans demandé pour réaliser l’ensemble des travaux.
–Ainsi, devant ces constats, la Commission, après pondération de l’ensemble des critères, considère que cette demande devrait être refusée.